Discover the contemporary work of JONATHAN CHOIN
Voyages Pigmentés jonathanchoin.com Ma démarche artistique s’inscrit dans une tradition iconographique qui consiste à collectionner les matériaux dans une première étape, puis à un assemblage dans une seconde, à l’instar des nouveaux réalistes, qui importent la vie réelle dans l’art, également un clin d’oeil aux carnets de voyage de Delacroix, qui pour l’une des premières fois dans l’histoire de l’art, y intègre des souvenirs de ses séjours en Orient, mélange les textes aux images, et les aquarelles aux herbiers . Dans ma recherche plastique, le mélange des médiums s’articule entre deux et trois dimensions, la peinture épousant la photographie et la sculpture devenant peinture. Citons les pictorialistes du début du siècle, Arnulf Rainer ou encore Pierre et Gilles qui peignent sur la photo, ces acteurs font évoluer le regard sur la photo, mais surtout l'utilisation de son support. Les bas-reliefs présentent différents matériaux collectés, puis assemblés, au cours de différents voyages effectués sur les cinq continents, et ce dans une trentaine de pays. Les matériaux, naturels ou artificiels, souvenirs ou photos-souvenirs, sont présentés ou représentés, confrontés, confondus, mariés entre eux permettant d’établir des correspondances visuelles, matérielles, et plastiques. Les matériaux collectés aux quatre coins du monde sont ensuite intégrés, assemblés dans un ensemble: un bas-relief qui propose à celui qui le regarde de parcourir son propre itinéraire. Un parcours qui sera tactile, olfactif, visuel, gustatif, ou auditif selon chacun. Des correspondances entre les sens sont possibles, ainsi l’art devient un moyen de perception synesthésique. Les différents papiers, qu’ils soient de journaux, de soie, en ticket, ou photo, constituent la base de l’oeuvre en 2D qui avec, l’union des objets, transforme certains espaces en 3D. La peinture, qui par le trait est dessin, se transforme en sculpture, plus précisément en bas-relief dans le but de tracer les parcours à suivre par le spectateur. Comme le souligne Marcel Duchamp; « c’est le regardeur qui fait l’oeuvre ». Je l’invite donc non seulement à faire l’oeuvre, mais à la vivre et l’expérimenter. Les matériaux tels des opales de Nouvelle Zélande, des pierres précieuses du Brésil, de la feuille d’or de Thaïlande, des timbres, différentes monnaies, différents fragments de journaux, de clichés photographiques, de croquis, esquisses de carnets de voyage, sont réunis permettant à celui qui contemple d’effectuer un chemin, à travers un bas-relief, témoin d’un assemblage de fragments et de souvenirs de ces nombreux voyages. Dans certains travaux, composés d'aliments, de confiseries ou de pâtisseries, le spectateur sera invité à manger la continuité de son parcours, en exemple avec un bonbon serpentin qui finira sa course dans l'estomac du spectateur. Ainsi une interrogation est portée à la notion de consommation de l'art. La vue qui dévore un trait n'est-elle pas dominée par le sens gustatif d'un spectateur qui mange une ligne? Le voyage culinaire propose donc une dématérialisation de ce même voyage mental. Ces pièces rapportées-assemblées constituent un témoignage d’une époque, de différentes influences graphiques, visuelles et plastiques à l’instar d’un marché de Kyoto ou de Buenos Aires, où l’on y trouve de tout: des images, des épices, des parfums, de la couleur, des étoffes, des matières, du flou, de la vitesse, des flux, de la circulation, de la vie. De la photographie, qui représente une scène ou un objet, un souvenir présenté lui-même et pour lui-même, les médiums se conjuguent en genre, en nombre, et en propriétés plastiques qui amènent le spectateur à appréhender l’oeuvre selon sa propre sensibilité. Ayant travaillé plusieurs années auprès d’enfants et adultes en situation de handicap, mes oeuvres se veulent accessibles à tous, proposant à un spectateur-voyageur privé de la vue d’effectuer son parcours à travers la toile par un autre moyen de lecture, comme le toucher, qui devient un moyen de locomotion favorisant la circulation dans l’oeuvre. Le toucher peut permettre de suivre un itinéraire tracé par une peinture en relief, rencontrer des obstacles comme des pierres, de la terre d’Amérique du Sud qui viennent interrompre le parcours, obligeant le voyageur à changer sa route, sa lecture, son itinéraire…Ce dernier n’est donc pas figé, il est individuel permettant de se perdre au sein de la surface de la toile à la rencontre de différents aspects culturels, naturels, ou questionnement face à un sujet d’actualité. Libérez la peinture de son support, et sortir des limites de la toile : envahissement des cotés, épaisseur...les masses ou les objets latéraux réclament presque leur autonomie . Si la ligne symbolise un parcours à effectuer, le spectateur peut parfois rencontrer des pointillés, symbole de la discontinuité de la ligne, évoquant ainsi un espace de liberté dans lequel le voyageur-acteur peut se perdre. Il n’est plus un simple spectateur mais un acteur de son itinéraire sensoriel. Ce dernier est variable, il peut suivre sa sensibilité chromatique, rechercher des propriétés plastiques, esthétiques, similaires entre deux matériaux. On peut également l’envisager selon la correspondance des lignes verticales et horizontales, qui lorsqu’elles se rejoignent forment un damier, un espace mental régi, non par une rigueur mathématique (dessin), mais par une rigueur poétique (picturale et chromatique) qui permet de s’échapper des contraintes trop strictes d’un damier lourdement connoté. Ceci rappelle l’exigence de Mondrian : seulement des horizontales et verticales chargées de symboliques fortes, s'identifiant à l'homme pour la verticalité, la Femme pour l'horizontalité, ou encore Dieu et l' être humain. Le damier, moyen de mesure de l’espace à la Renaissance, est envisagé dans ma recherche plastique comme un moyen de fuir à un destin, à un parcours figé, dicté et orienté. Ainsi même s’il est présent dans ma recherche, ce dernier tend à se déformer, libérant les lignes de contraintes trop strictes permettant au spectateur-voyageur d’être acteur. La ligne serpentine hante et déambule la toile, comme les serpentins ou confettis d’un carnaval, à l’époque maniériste elle construisait l’espace du tableau à l'instar de La Vierge au long cou du Parmesan, vers 1535. Elle évoque également la trajectoire d’un sentier de randonnée, une route, un chemin. Lorsqu’elles se rejoignent, les lignes forment un damier, qui devient un espace de voyage mental, permettant au spectateur d’être acteur et de suivre son propre parcours. Comme un pion de jeu de Dames ou d’échecs, le spectateur peut devenir une tour, un roi, un fou ou autre pion afin d’effectuer ce voyage onirique. Il est un point placé sur le damier, un électron libre qui cherche à s’échapper des lignes trop strictes qui l’emprisonne. La focalisation interne lui permettra de prendre la place du pion, et d’effectuer son chemin, sans être manipulé par un joueur. Au travers différents parcours aux pays des formes, des couleurs, des volumes, des reliefs, et autres propriétés plastiques, le spectateur est invité à devenir acteur de son voyage pigmenté. Le caractère interactif de l’oeuvre vise au voyageur de mieux se connaitre lui-même comme un voyage enrichit celui qui le fait. L’utilisation des miroirs lui permet grâce au reflet de son image et de l’univers dans lequel il est, de faire une introspection de lui-même. Au fil des voyages, de Buenos Aires, à Tokyo, en passant par New-York, Riga, Sydney, Bangkok, Kaikoura, Montréal … jusqu’à Tunis ou Iguazu, le voyage se nourrit par des rencontres plastiques, et participe à la création de trajectoires .